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Le 17 Mars 2016

Umberto ECO. 1932-2016


Aujourd’hui j’aimerai rendre un hommage à un grand homme, un érudit inclassable, un génial touche à tout.
Umberto ECO nous a quitté le 19 février dernier. On connait de lui surtout deux livres à succès « le nom de la rose » paru en 1980 dont un magnifique film a été tiré, et « le pendule de Foucault » (1988). Sa fiche Wikipédia est assez courte et donne assez peu d’informations sur l’étendue des connaissances et la singularité du personnage. C’est en voyant le documentaire sur Arte que l’idée m’est venue de vous parler quelques instants de ce grand homme.
Umberto Eco est inclassable car il s’est intéressé à beaucoup de domaines dans sa vie. Il a commencé par la philosophie, puis la religion avec sa thèse sur Thomas d’Aquin en 1954. Il passe ensuite à la scolastique. (La scolastique (du latin schola, ae, « école », issu lui-même du grec σχολή, skolê, qui signifie « arrêt de travail », ou bien « loisir consacré à l'étude ») est la philosophie développée et enseignée au Moyen Âge dans les universités : elle vise à concilier l'apport de la philosophie grecque (particulièrement l'enseignement d'Aristote et des péripatéticiens) avec la théologie chrétienne héritée des Pères de l'Église et d'Anselme.)
En 1962 il publie sur l’art d’avant garde et travaille pour la télévision italienne. Il fréquente et échange alors avec les esprits les plus brillants de l’époque, notamment Pierre Boulez. Il s’intéresse particulièrement à la sémiotique, l’étude des signes (La sémiotique étudie le processus de signification, c'est-à-dire la production, la codification et la communication de signes.) Il entretiendra jusqu’à la fin de sa vie une correspondance avec de nombreux intellectuels dans différents domaines, mais qui, comme lui, sont toujours en questionnement.
Le grand public le découvre avec le nom de la rose en 1980. C’est surtout de cette œuvre dont je veux vous parler. Comment un intellectuel de cette envergure, inconnu du grand public, fait-il pour écrire un roman populaire devenu culte aussi vite? Mais il ne faut pas s’y tromper : Le nom de la rose est un récit faussement simple. Il reste accessible pour le plus grand nombre et le film qui en a été tiré l’a rendu encore plus populaire. Et pourtant personne d’autre qu’Umberto Eco n’aurait pu écrire ce texte avec toute la complexité de l’intrigue et toute la richesse historique. C’est un roman policier en plein moyen âge et pourtant tout y est parfaitement plausible et aucun anachronisme ne vient gâcher notre plaisir.
L’idée de ce roman murissait depuis des années. Umberto Eco y a mis tout son savoir et toutes ses passions :
- L’intrigue se situe en 1327, 4 ans après la canonisation de Thomas d’Aquin, auquel il a consacré sa thèse. On est en plein conflit religieux entre les franciscains et l’autorité papale. C’est un sujet qui est cher à notre auteur et qu’il connait parfaitement.
- Umberto Eco s’intéresse à la sémiotique. L’ouverture de la porte secrète dans la bibliothèque nécessite la compréhension d’une série de signes et de symboles ésotériques. En 1988 il consacrera à ce sujet son 2eme roman à succès, « le pendule de Foucault ».
- Umberto Eco est un passionné de roman policier, genre mineur, ce qui est surprenant de la part de quelqu’un se passionne pour la scolastique. Dans le documentaire on le voit nous montrer une partie de son immense bibliothèque et notamment la partie consacrée au polar : de Agatha Christie à San Antonio. Il a voulu écrire un polar qui se déroule au moyen âge !
- Il est passionné de livres. Son immense bibliothèque reflète la curiosité du personnage et son appétit intellectuel. Tout l’intéresse ! Et surtout les livres rares et anciens. Il a lui aussi son cabinet secret où il conserve les plus précieux. On retrouve cela dans le nom de la rose, où les livres « interdits » par l’Eglise sont cachés dans un cabinet secret, lui-même à l’intérieur d’une bibliothèque interdite ! Afin de conserver son pouvoir et détenir l’unique vérité, l’Eglise nie l’existence de ses ouvrages antiques perdus.
Umberto Eco a passé sa vie à se poser des questions avec une certaine jovialité. Bon vivant, bon compagnon, il est loin de l’image qu’on se fait d’un intellectuel passionné d’art contemporain, de scolastique, de sémiotique et d’autres discipline aussi méconnues qu’ardues !
Je conclurai en racontant une anecdote révélatrice de sa curiosité. Quelque chose le chiffonnait dans « les trois mousquetaires » d’Alexandre Dumas. Il a donc enquêté jusqu’à prouver qu’Alexandre Dumas s’était trompé dans le nom des rues où étaient censés habiter Aramis, Portos, Athos et D’Artagnan. Je suis bien incapable de vous retracer toute l’enquête mais en résumé il prouve que l’auteur des trois mousquetaires ne connaissait pas le Paris du XVII siècle.
Cette anecdote me permet de faire le parallèle avec un autre esprit brillant assis à cette table qui se pose beaucoup de questions sur les panneaux indicateurs, leurs sens cachés et leur incohérence !
Merci de m’avoir écouté !

P.B